Entretien a Benjamin Britten

Donald Mitchell
entretien original enregistré a Red House, Aldeburgh, 1969
Traduction Abeille Musique 2003

DM : Voici peu, vous étiez très occupé avec cette production télévisée de Peter Grimes ; je crois savoir que vous avez été très impressionné et interloqué, n'est-ce pas, par les possibilités de produire de grands opéras pour la télévision.

BB : Ce fut une grande expérience. Et, comme vous le dites, c'était aussi très inquiétant et fatigant, car je n'avais jamais eu à prendre en main une telle masse d'exécutants, tout en tenant compte des désirs des cameramen, des producteurs et du réalisateur. Je n'avais jamais pensé que j'aurais l'occasion d'entreprendre quelque chose à cette échelle. Mais en fin de compte, les gens avec lesquels je travaillais étaient si musiciens, et comprenaient si bien l'aspect musical de l'œuvre, que ma tâche en fut nettement facilitée.

DM : Ainsi, pensez-vous qu'à la lumière de cette expérience avec la télévision, qui était littéralement à votre porte, que l'opéra à la télévision a un avenir quel qu'il soit ?

BB : Absolument, selon moi. Mais je crois que l'on doit tirer une ou deux leçons avant de vraiment confier l'opéra à la télévision. Si je peux faire une courte digression, je dirais que l'opéra ne doit pas être morcelé et réduit à un simple outil pour la caméra. J'ai vu plusieurs versions d'opéras télévisés, et je crois que le plus grand danger est de tomber dans la facilité de les rendre trop, disons, raisonnables, réalistes. Et j'imagine que les auditeurs qui ne sont pas habituellement amateurs d'opéras se demanderont pourquoi, diable, les gens chantent, et ne parlent pas normalement. Il faut garder cet équilibre fragile entre l'image, qui doit naturellement avoir un aspect assez réaliste pour la télévision, et l'intérêt musical. Et ce que je pense avoir appris avec l'enregistrement télévisuel de Peter Grimes est que l'on ne doit jamais oublier la progression de la musique, le côté mélodique et la mise au point des ensembles. Sinon, on obtient une sorte d'hybride qui n'est ni du vrai théâtre, ni du bon opéra. Voilà une chose que j'ai apprise, et que je cherche à mettre en pratique dans cet opéra que j'écris maintenant pour la télévision.

DM : Je voulais justement vous demander combien votre expérience avec Peter Grimes allait vous guider dans l'opéra télévisé que vous écrirez bientôt pour l'une des chaînes de la BBC.

BB : J'ai appris beaucoup de choses, et je suis très heureux d'avoir fait cette expérience avec Grimes avant de commencer à coucher quoi que ce soit sur le papier.

DM : Pourriez-vous nous parler, brièvement, de cet opéra télévisé ? D'après une nouvelle de Henry James.

BB : Oui, une nouvelle très étonnante, Owen Wingrave . Comme toutes les œuvres de James, elle est très réfléchie, très intelligente, et pleine d'une atmosphère particulièrement puissante. Naturellement, j'ai appris beaucoup de choses en écrivant Le tour d'écrou , et je fais appel au même librettiste pour Owen Wingrave que pour Le tour d'écrou : Myfawny Piper. L'histoire se trouve dans le volume 9 de l'intégrale des nouvelles. Une histoire particulièrement provocante et étrange, très forte d'après moi, et j'espère qu'elle sera un bon choix pour mon premier opéra télévisé. Je n'utilise pas un grand chœur, et ce n'est pas vraiment une histoire. Et peu de personnages : tout cela me semble être une bonne chose pour le support télévisuel, même si je pense que, en prenant toutes les précautions nécessaires, un effectif plus lourd peut également donner des bons résultats.

DM : Donc, cela sera en quelque sorte un opéra de chambre.

BB : Oui, j'utiliserai un orchestre légèrement plus étoffé que pour Le tour d'écrou , car j'ai besoin de certains effets plutôt différents, mais ce ne sera pas un grand orchestre. Un orchestre, j'imagine, de la taille Mozart, mais pas forcément dans le style Mozart.

DM : Ce sera un ouvrage spécifiquement conçu pour le support télévisuel.

BB : Entièrement.

DM : Avez-vous, en quelque sorte, des idées particulières à ce sujet ?

BB : Oui, naturellement. Nous utiliserons la caméra de manière très spéciale d'un bout à l'autre. C'est un travail considérable pour moi, mais je prends particulièrement garde à penser constamment aux moyens télévisés, et pas à la scène. Sans doute, on pourra plus tard adapter l'ouvrage pour la scène, mais cela exigera bon nombre de révisions. Mais le plus intéressant, ce dont je parlais à l'instant - le travail à venir -, est que j'ai tellement appris de choses grâce à cette expérience avec Peter Grimes, que j'ai modifié le livret - qui était déjà ébauché avant que nous ne commencions le travail télévisé de Peter Grimes; j'en ai remanié maintes choses à la lumière de ces enseignements. Je retourne ainsi à la forme "opératique" de l'opéra, en m'éloignant de la forme réaliste. En fait, Myfawny Piper et moi avons ajouté un grand nombre d'airs ces derniers jours, car je suis convaincu - après ma récente expérience avec la télévision - que les spectateurs veulent de la mélodie, du lyrisme des airs et des ensembles plutôt que du côté réaliste des récitatifs interminables qui leur feraient se demander, comme je l'ai déjà dit, pourquoi diable tout cela est chanté et non parlé. Je suis heureux de savoir que le producteur de l'opéra est entièrement du même avis.

DM : Voilà un très intéressant résultat après cette expérience de Peter Grimes.

BB : Et très surprenant.

DM : Très surprenant, en effet, on ne s'y attendait en aucun cas. Mais c'est sans aucun doute la bonne solution.

BB : Elle est certainement juste d'après moi, et - ainsi qu'un partisan de l'opéra télévisé me le faisait remarquer - le plus grand éloge qui fut rendu, comme quoi l'opéra télévisé faisait oublier la forme de l'opéra, est assurément une grande erreur. On devrait aimer cette forme télévisée car c'est de l'opéra.

DM : Jusqu'à quel point avez-vous déjà clairement la composition à l'esprit ? En fait, c'est une question d'ordre général car j'aimerais savoir si vos idées sont déjà plus ou moins formulées, ou si le processus prend forme seulement lorsque vous commencez à écrire.

BB : Je ne commence jamais le travail avant d'avoir une conception très, très claire de ce que l'ouvrage devra devenir. Quand je dis conception, je ne veux pas forcément parler de mélodies, d'harmonies ou de rythmes particuliers, rien de ce genre ; je parle de forme musicale, de genre de musique que cela deviendra, plutôt que des notes en elles-mêmes. Les notes viennent bien plus tard. Naturellement, 2 ou 3 semaines avant que j'écrive la première note, elles m'apparaissent déjà, pas forcément de manière structurée, mais par petites touches, éparses dans l'ouvrage ; je commence à planifier tout d'un point de vue architectural, de bout en bout. Il reste toujours cette partie de hasard, d'improvisation, qui se présente lorsque le travail est en cours. Ian Forster décrit fort bien cela dans Les aspects d'une nouvelle , lorsqu'il dit que l'on doit toujours être prêt, en tant qu'artiste créateur, à laisser les personnages prendre le dessus. Et il m'arrive souvent de m'asseoir devant la feuille blanche, tout-à-fait conscient de ce que je vais faire, puis de m'apercevoir que cela ne marche pas exactement comme prévu. Il faut savoir se fier à son inconscient, accepter qu'il vous guide dans la bonne direction. Souvent, voyez-vous, lorsque vous écrivez quelque chose, cela manque d'une certaine qualité qui pourrait être présente à votre esprit, mais qui ne correspond pas exactement à ce qui est sur le papier. Il faut alors être prêt à s'adapter. En particulier à l'opéra où, ainsi que le dit Forster, les personnages possèdent leur propre existence. Je ne suis pas certain de me souvenir très exactement, cela fait trop longtemps, mais je crois que les premières esquisses du Tour d'écrou donnaient une forme en trois parties ; je crois même que le livret était écrit ainsi. Puis je m'aperçus que quelque chose ne marchait pas. Ce qui ne marchait pas, en partie, était que nous avions supprimé certains passages de Henry James, fusionné d'autres, alors qu'il avait construit cette histoire avec infiniment d'attention ; j'en pris conscience au fur et à mesure : si l'on manquait une marche, on trébuchait. Je découvris ainsi que l'enchaînement des scènes devait être particulièrement resserré. Et je cherchai alors une idée qui pourrait faire l'objet de variations au cours de ces scènes, une idée qui deviendrait une série de variations, car en réalité, l'histoire pouvait être considérée comme une sorte de thème et variations. Et d'ailleurs, il y a beaucoup de points communs entre Owen Wingrave et Le tour d'écrou . De par le nombre de personnages, l'intensité, la brièveté des scènes, les mots, mais je ne crois pas que j'adopterai la forme en variations.

" Le silence est un cadeau précieux de nos jours. "

DM : Vous savez, je me souviens de ce que vous venez de dire : dans un sens, concevoir une nouvelle œuvre dramatique était comme une succession de rêves. Vous disiez : " La nuit et le silence, voilà deux choses que j'apprécie par-dessus tout ", une phrase particulièrement mémorable.

BB : Naturellement, le silence est un cadeau précieux de nos jours, surtout dans cette maison où nous nous trouvons, avec les avions qui atterrissent avec une régularité d'horloge tout près d'ici. Mais la nuit et les rêves… J'éprouve une étrange fascination pour ce monde depuis mon enfance. Je me souviens, assez vaguement, lorsque j'étais à l'école, je me disais toujours une dernière chose juste avant de m'endormir, ou je m'énonçais un problème d'algèbre que je devrais résoudre le lendemain. Quelqu'un m'avait dit que si l'on fait cela, on a de meilleures chances que le subconscient travaille quand votre conscience est endormie. Je ne me rappelle pas vraiment si la méthode marchait, mais j'étais plutôt bon en mathématiques quand j'étais jeune. Mais je chéris cet instant, et je pense que c'est pourquoi je suis si mal lorsque j'ai mal dormi. Je me lève le lendemain et je suis incapable de travailler correctement.

" Je me souviens d'avoir récemment rêvé que je rencontrais Schubert à Vienne : les jours suivants furent un bonheur tel que je n'en ai pas souvent éprouvé. "

DM : D'un autre côté, il est vrai que la nuit comporte également pour vous un aspect très inquiétant.

BB : Oui, la nuit peut libérer bien des choses qu'il vaut mieux laisser où elles sont. On fait des rêves dont on ne peut même pas se souvenir alors qu'ils assombrissent toute la journée suivante. Et je suis toujours perplexe quand je ne peux pas me souvenir de ce qui a bien pu avoir un tel effet émotionnel sur moi le lendemain, ou même plusieurs jours après. Naturellement, l'effet peut être tout le contraire. Je me souviens d'avoir récemment rêvé que je rencontrais Schubert à Vienne : les jours suivants furent un bonheur tel que je n'en ai pas souvent éprouvé.

DM : A ma connaissance, vous êtes le seul compositeur qui ait composé une œuvre entièrement dédiée au sommeil et au rêve : le cycle de mélodies Nocturne.

BB : Oui, mais la Sérénade [pour ténor, cor & cordes, 1943] s'en approche.

DM : La Sérénade, disons, mène au Nocturne [1958], avec le poème de Keats. Il prépare l'atmosphère dans laquelle le Nocturne baigne tout en entier. Cette œuvre, n'est-ce pas, traite également de l'aspect inquiétant du sommeil : les cauchemars, car tous les rêves ne sont pas heureux.

BB : Non, le poème de Wordsworth est cauchemardesque, il traite de la Révolution française. Et naturellement, il y a également le Nocturnal [d'après John Dowland, pour guitare] écrit pour Julian Bream, qui comporte également des images pour moi très inquiétantes. Inspiré par la pièce de Dowland qui comporte elle-même, bien sur, des allusions particulièrement étranges. Dowland était une personne qui, d'après moi, se rendait compte consciemment de l'importance des rêves.

" J'ai vu trop d'exemples dans ma vie où les " trucs ", les maniérismes des professeurs, ont été repris par les élèves. "

DM : On dit que vous n'avez jamais réellement eu la moindre ambition d'enseigner. Est-ce là toujours votre position, alors que nous vivons probablement à une époque où une quelconque forme d'enseignement serait extrêmement précieuse ?

BB : Oui, je ne sais pas réellement pourquoi je suis un peu mal à l'aise vis-à-vis de l'enseignement. Je sais que lorsque des jeunes gens viennent me voir avec leurs œuvres, j'ai grand plaisir à les parcourir avec eux. Je crois que j'ai peur d'imposer mes propres solutions à leurs problèmes, bien que je croie fermement que la personnalité du professeur peut être absorbée sans vraiment porter ombrage à l'élève, car si celui-ci a une personnalité suffisante, il peut probablement en profiter utilement. Mais j'ai vu trop d'exemples dans ma vie où les " trucs ", les maniérismes des professeurs, ont été repris par les élèves, et lorsque le professeur n'est pas vraiment un compositeur professionnel, ils ont eu une influence néfaste ; j'ai le sentiment qu'ils sont une version édulcorée des ficelles d'autres compositeurs. Et le résultat est trop souvent une raideur de la musique de ces jeunes gens, qu'il est parfois impossible à corriger. Je pense qu'un grand compositeur, écrivain, peintre, survivra pratiquement à n'importe quel traitement. Mais les grands compositeurs peuvent se prendre en main eux-mêmes. Ce sont les compositeurs de moindre envergure, ces personnes qui peuvent rendre nos vies tellement plus riches par petites touches, que je veux protéger ou aider. Par ailleurs, je pense vraiment qu'à notre époque de changements radicaux dans le monde musical, je ne suis peut-être pas le meilleur choix pour guider de jeunes compositeurs. Mes méthodes, qui sont entièrement personnelles, reposent sur une période où le langage n'était pas autant morcelé que maintenant. C'est un passage de doute personnel que je saurai certainement surmonter, mais je ne crois pas qu'à l'heure actuelle, les jeunes compositeurs seraient très intéressés par mes observations. Car en réalité, la seule chose qu'un professeur puisse vraiment faire pour aider un élève, est de dire : est-ce bien ceci que tu veux dire, et dans le cas contraire, cherchons de découvrir ce que tu veux exprimer. En d'autres termes, on jette un regard plus aigu sur cette musique que celui que l'élève peut jeter lui-même, afin de lui permettre de voir sa propre œuvre plus clairement et qu'il puisse procéder à la vraie recréation de ce qu'il a à l'esprit. Mes méthodes pour y accéder seraient inacceptables pour certaines jeunes compositeurs. Et voilà pourquoi, en ce moment - sans parler du total manque de temps - je n'enseigne pas.

" Les opinions qui sont formulées avec le plus de véhémence remportent les suffrages, et je pense que souvent elles ne sont pas les meilleures. "

DM : Vous sentez, Ben, que nous sommes à une époque de changements radicaux dans la musique. Vous avez, d'après moi, parfaitement raison.

BB : Oui, en effet. Et je n'emprunte pas toujours les nouveaux chemins, que je n'approuve pas toujours, d'ailleurs, mais c'est là ma propre vision des choses… C'est à dire, il est clair que les choses doivent évoluer. Chaque nouvel effort, quel que soit le langage dans lequel il est fourni, doit comporter cet élément de nouveauté. Mais j'ai parfois le sentiment que la recherche d'un nouveau langage est devenu plus important que la chose exprimée, alors que j'estime qu'un langage est un moyen, et pas une fin en soi. Et je peux vous citer plusieurs jeunes compositeurs, dont certains ont atteint leur maturité, d'autres pas encore, qui cherchent sincèrement et passionnément à transmettre ce qu'ils ont à dire. Et c'est là l'un des ennuis profonds que distillent les interminables reportages à la télévision, à la radio ou dans les journaux, qui relatent des opinions : celles qui sont formulées avec le plus de véhémence remportent les suffrages, et je pense que souvent, elles ne sont pas les meilleures. Mais un jeune compositeur tel que John Taverner, par exemple, qui fournit un immense et intéressant travail actuellement dans ce pays, est profondément attaché à nous transmettre ce qu'il cherche à exprimer. Et je crois que plusieurs autres de sa génération prennent très, très nettement leurs distances avec ce que j'appellerai l'avant-garde académique, celle qui a rejeté le passé ; lui - et tant d'autres - vénère le passé, et construit dessus. Après tout, le langage n'est qu'une expérience naturelle. Quand nous parlons ensemble, vous et moi, nous utilisons des symboles qui ont été en usage dans le passé. Si nous les rejetions, nous ne produirions que des bruits étranges.

" Les traditions changent, mais les humains restent étonnamment égaux à eux-mêmes. "

DM : Pour un compositeur tel que vous, à ce point de sa carrière, vous avez derrière vous un immense acquis, non seulement dans votre propre musique, mais également dans le passé. J'aimerais vous demander comment vous vous sentez dans cette position. Etes-vous conscient de ce magnifique acquis, mais également de l'immense poids de la tradition derrière vous ?

BB : Ce poids me soutient, Donald. Je ne saurais être seul, je ne saurais travailler seul, je ne peux vraiment travailler que grâce à ma conscience de la tradition qui m'a précédé. Et pas seulement conscient de la tradition musicale, mais également de la peinture, de l'architecture, de la campagne autour de moi et des gens qui m'entourent. Je vous livre peut-être mon intimité, mais c'est ainsi. Je me sens aussi près de Dowland, dont je parlais voici quelques instants, que du plus jeune de mes contemporains. Ce matin, au lit, je lisais Ion d'Euripide, que je n'avais pas relu depuis quelques temps; et, vraiment, le premier chœur de cette pièce, écrite voici quelques 3000 ans, me semble avoir été écrit comme pour une foule qui visiterait un monument de nos jours, regardant autour de soi et faisant des commentaires : qu'est-ce que c'est que ceci, où allons-nous là… Je ne vois aucune différence, au-delà d'une simple différence d'environnement, entre Euripide et nos jours. Nous avons tous lu la Bible, des vielles légendes nordiques ou hindoues. Je ne vois pas pourquoi on devrait rejeter le passé. Nous sommes assis ici, dans cette pièce, entourés de tableaux, de ce vase arménien vieux de 5000 ans. Ces observations me donnent de la force ; naturellement, je sais que les traditions changent, mais les humains restent étonnamment égaux à eux-mêmes.

DM : Pourrions-nous un instant nous pencher sur un exemple précis, je pense au War Requiem . Sentiez-vous, lorsque vous entrepreniez cette immense tache créatrice, la présence des grands précédents de messes mises en musique de par le passé ?

BB : Je vous répondrai par une parabole. Voici peu, on créait l'opéra d'un jeune compositeur près d'ici. Et pendant ce même temps, d'autres opéras étaient joués dans les environs. Certes, il était très pris par le temps et très absorbé par son travail, mais il me sembla très curieux qu'il ne veuille pas aller voir comment Mozart pouvait résoudre ses problèmes. S'il décidait de conduire d'ici jusqu'à Newmarket, il utiliserait naturellement une carte routière pour s'orienter. Pourquoi, puisqu'il utilise un plan pour aller à Newmarket, n'en utilise-t-il pas un pour écrire son opéra? Je sais bien qu'il cherchait à exprimer quelque chose de différent, au même titre que nous utiliserions certainement un autre genre de voiture pour aller à Newmarket que celle qu'avait à sa disposition le cartographe. Mais après tout, il y a beaucoup de points communs entre les ouvrages qui présentent des idées théâtrales au public. Et je suis tenté de croire qu'il est utile de savoir comment les autres sont partis pour Newmarket et sont, selon toute évidence, arrivés à destination - même si on peut rejeter l'ancien chemin, et en trouver un nouveau. Je serais bien bête de ne pas prendre note comment Mozart, Verdi et Dvorak - ou qui que ce soit d'autre - ont écrit leurs messes. Nombreux sont ceux qui ont relevé des similarités entre le Requiem de Verdi et mon propre War Requiem. Elles existent très probablement. Si je n'avais pas digéré ces œuvres, tant pis pour moi; mais cela ne signifierait pas que je me trompe, seulement que je suis mauvais compositeur.